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Déboussolés !
C’est le terme qui s’impose fréquemment pour témoigner de l’incompréhension dans laquelle nous plongent les situations déconcertantes à l’échelle personnelle comme à celle de l’évolution du monde.
L’impression domine que les coordonnées stables qui assuraient un repérage correct et quasi permanent au fil de la vie d’une personne, vacillent et sont mises en doute. Fait nouveau, le monde change plus vite que la conscience individuelle. Les grands systèmes, la famille, le travail, la religion, la politique, l’économie, et même l’argent… s’avèrent des colosses aux pieds d’argile. Que devient-on lorsque les points de repère qui permettent à chacun de s’identifier et de se situer deviennent flottants ? Une époque sans points de repère partagés est-elle viable ?
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Une humanité inouïe
L’exposition Jeux de paysages, conçue par Maryvonne Arnaud, Yann Blanchi, Philippe Marin et Philippe Mouillon, propose une désorientation active en invitant le visiteur à construire son propre récit, son processus autonome de cheminement dans l’espace de l’exposition, dans ses propres associations mentales et dans les paysages quotidiens de la région Rhône-Alpes.
À l’inscription dans le temps et l’espace de formes stabilisées, Jeux de paysages répond trajectoires, logiques floues, turbulences incalculables. Prenant appui sur la Grotte Chauvet, le Palais Idéal de Cheval ou l’unité d’habitation de Firminy, l’exposition affirme combien l’intérêt sociétal des formes héritées n’est pas leur attachement à une tradition mais leur intensité de rupture historique ouvrant alors une profondeur imaginaire nouvelle, excédant tout ancrage dans un lieu et toute inscription dans un temps.
En s’appuyant sur un tapis d’acier composé d’un millier de noms de lieux-dits, Jeux de paysages rend visible ce temps qui court sous nos pieds et ces récits négligés ou oubliés qui trament le territoire sous nos pas comme ils trament notre imaginaire.
L’exposition demeure volontairement inachevée. Les Jeux de paysages restent à pratiquer par chaque visiteur qui active et compose sa propre représentation à l’aide d’un jeu de douze cartes à jouer illustrées sur chaque face d’un code numérique. Chaque code déclenche une interprétation du territoire proposée par un artiste invité ou piochée dans les sites de partages et les réseaux sociaux. L’exposition est re-battue, comme on re-bat des cartes, à chaque nouvelle intervention interactive d’un spectateur, avant de se stabiliser dans cette nouvelle figuration pour le visiteur suivant qui, à son tour, pourra la remanier puis la transmettre.
Elle reste aussi ouverte à l’infinité des contributions de tous ceux qui, visiteurs ou témoins éloignés, souhaitent partager leurs perceptions, leurs émotions, leurs pratiques originales en les déposant sur le site dédié de l’exposition afin de l’enrichir. Où qu’il soit situé, chaque contributeur devient ainsi une balise signifiant la présence d’un capteur intelligent et autonome qui, comme l’aiguille d’un acupuncteur, dissipe les blocages énergétiques, les désaccords, et rééquilibre l’organisme.
Intuitives, bricolées, sensibles, émancipées, ces couches de données et de métadonnées invitent discrétement à des approches esthétiques, éthiques, symboliques plus complexes, à des tensions nouvelles qui actualisent le paysage, nous réactivent et nous harmonisent.
Jeux de paysages, une exposition créée en ouverture de l’Hôtel de Région Rhône-Alpes conçu par Christian de Portzamparc et présentée du 15 juin au 25 août 2011